DANS LA PEAU D'UN CANCRE
Mon premier contact avec le monde froid de l'ordinateur, du multimédia et de leur langage d'abrégés réservé aux seuls initiés a été épouvantable: il m'a plongée dans l'univers du cancre, celui que PREVERT a si bien décrit, celui dont les enseignants ne perçoivent que les manifestations extérieures.Evidant pour le cancre qui n'a pas acquis les raccourcis les
plus élémentaires!
Une institutrice particulièrement sensible m'a dit l'autre
jour que "seule la circonstance faisait le cancre". J'ajoute qu'on est forcément
le cancre de quelqu'un, tant il paraît peu vraisemblable d'exceller en tout!
Ainsi, le cancre ne peut espérer sortir de sa condition, à
moins de trouver un enseignant capable d' explorer son mode de compréhension
et désirant communiquer des connaissances et non plaquer, administrer...
des savoirs.
Cela plonge au coeur des finalités de l'apprentissage, à tous les niveaux
de l'enseignement et dont l'image mathématique la plus représentative est
celle des tables de multiplication: savoir ses tables ou identifier des situations
additives particulières?
Savoir ses dates ou se servir d'une encyclopédie pour analyser un document...
Inutile de multiplier les exemples: il s'agit, au bout du compte de définir
une véritable philosophie de l'éducation qui définirait la place
de l'Ecole: Former des citoyens pensants et critiques ou Formater des individus aux
exigences du moment?
Quelles que soient les nobles intentions affichées au travers des textes
officiels, des médias... l'Ecole reste trop souvent un outil d'adaptation à
un monde existant qui ignore, voire méprise les formidables potentiels
créatifs des humains du futur.
Elle reste prisonnière de ce paradoxe: adapter en épanouissant
ou épanouir en adaptant.